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Mystérieux Murakami

Haruki Murakami publie « La Cité aux murs incertains » (Belfond, 2025)


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Haruki Murakami © Shutterstock/SIPA

Dans La Cité aux murs incertains, Haruki Murakami entraîne le lecteur dans un monde poétique et inquiétant. Pour entrer dans l’univers du romancier japonais, il faut abandonner toute rationalité.


Haruki Murakami est une star et chacun de ses romans un événement. Après le subtil et délicat Galette au miel, l’auteur japonais le plus lu au monde nous revient avec une somme de plus de 500 pages au titre murakamiesque en diable : La Cité aux murs incertains. Sorti au pays du Soleil-Levant il y a un an, le roman vient de prendre place dans nos librairies et attise les curiosités. De l’auteur traduit en plus de cinquante langues, on sait peu de choses. Que son nom signifie « l’arbre de printemps dans le haut du village », ce qui en soi est déjà une invitation au voyage. Qu’il a dirigé, un temps, une boîte de jazz. Qu’il a traduit des auteurs américains, dont Raymond Carver, Scott Fitzgerald, John Irving et J. D. Salinger, et qu’il a une passion pour la course à pied. Autant dire que le mystère reste entier, et que ses livres ne font que le renforcer. De La Ballade de l’impossible, son plus grand succès au Japon, à Kafka sur le rivage en passant par la trilogie 1Q84, ses romans se distinguent par un climat d’étrangeté cher à tout « harukiste » qui se respecte. À première vue, tout paraît simple dans l’univers de Murakami, à l’image de cette phrase inaugurale : « C’est toi la première qui m’a parlé de la Cité. » À première vue seulement. Son héros, un jeune homme de 17 ans qui mène une vie calme et paisible, rencontre par un matin d’été une jeune fille d’une année sa cadette. Les jeunes gens vont tomber amoureux. Ensemble, ils se plaisent alors à imaginer une cité aux murs incertains jusqu’au jour où la jeune fille, sans explication aucune, disparaît. Désespéré, le jeune homme, qui est aussi le narrateur, décide de rejoindre l’étrange cité dans l’espoir de la retrouver. À ce stade de l’histoire, le lecteur, s’il veut poursuivre sa lecture, n’a d’autre choix que de mettre son cartésianisme de côté et de s’en remettre au romancier. Ceux qui le pratiquent depuis longtemps savent que lui seul détient les clés des mondes oniriques et souvent inquiétants dont il a le secret. Dans cette mystérieuse cité, les horloges n’ont plus d’aiguilles et le temps semble s’être arrêté. Les personnages, quant à eux, n’ont plus d’ombres car ils ont été contraints de s’en séparer. Peu de constructions aussi, hormis une bibliothèque dans laquelle le jeune homme va trouver un emploi singulier : celui de liseur de rêves. Là, dans l’atmosphère feutrée de la salle de lecture, il s’essaie à les décrypter. Dehors, la neige tombe sans discontinuer et des licornes broutent des feuilles de genêt. Lorsqu’elles meurent, un étrange gardien ramasse leur dépouille pour les faire brûler hors les murs. Rêve ou réalité ? Telle est la question vertigineuse que pose La Cité aux murs incertains et qui, loin d’y répondre, en explore les arcanes avec une infinie poésie. Ode splendide aux pouvoirs de l’imagination, ce roman que l’écrivain a commencé il y a plus de quarante ans et qu’il a entièrement réécrit pourrait bien lui valoir le prix Nobel pour lequel il est depuis longtemps pressenti.

Haruki Murakami (trad. Hélène Morita et Tomoko Oono), La Cité aux murs incertains, Belfond, 2025. 560 pages.

Mars 2025 - #132

Article extrait du Magazine Causeur




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Alexandra Lemasson est critique littéraire. Elle collabore au JDD et à la Revue des deux mondes. Elle est l'auteur de : Virginia Woolf aux Editions Gallimard et La petite folie aux Editions Léo Scheer.

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