Écrivain au grand style, Jack-Alain Léger s’est illustré avec un égal génie à travers des dizaines de pamphlets et de romans difficilement trouvables aujourd’hui. Trop talentueux, trop tourmenté, il a été marginalisé par le milieu littéraire. Dix ans après son suicide, Jean Azarel recompose le puzzle d’une vie d’écorché.
Ça commence comme une tragédie. Comme si la vie d’un écrivain devait être écrite une bonne fois pour toutes par Sophocle. La mère de celui qui se cache derrière cinq pseudonymes, dont le plus célèbre est Jack-Alain Léger (1947-2013), a perdu un fils à la naissance. Elle devient dépressive, boit trop, fume beaucoup. Quelques jours avant de mettre au monde Daniel Théron, futur Jack-Alain Léger, elle tente de se tuer. Dans Autoportrait au loup (1982), autobiographie trash, presque introuvable aujourd’hui, ou alors à un prix prohibitif, l’écrivain, maudit dès la naissance, écrit : « Il fallait faire avec ça… Un ça de mort-né qui mort, à les entendre ces femmes, pleurait encore, vivait encore, les appelait la nuit – un ça de fou ! Vivre avec ce surmoi, avec des parents écrasés par la faute, errer, j’étais damné. »

Mélancolie destructrice
Daniel Théron portera toute sa vie les stigmates invisibles de la mélancolie destructrice. Dans l’un de ses livres – quarante romans, essais, pamphlets, dont deux jugés islamophobes – Le Bleu le bleu (1971) signé Dashiell Hedayat, l’écrivain, qui ne cesse de brouiller les
